Pierre-Alain Zuber

Sans titre, 2019, épicéa et hêtre, 175 x 75 x 40 cm © Pierre-Alain Zuber  / Photo : Robert Hofer

PIERRE-ALAIN ZUBER, Fondation Louis Moret

09.06 – 18.08.2024

L’exposition monographique dédiée au travail de Pierre-Alain Zuber réunit une vingtaine d’œuvres : des sculptures en bois réalisées au cours de cette dernière décennie. Le parcours d’exposition – chronologiquement varié, chromatiquement perçant tout en éclats de rouge – se veut comme une promenade au cœur du travail de l’artiste.

Depuis une quarantaine d’années – après avoir exploré le dessin, la peinture et, en sculpture, les qualités propres à des matériaux tels que le plâtre, le caoutchouc ou l’acier – Pierre-Alain Zuber travaille principalement le bois semi-usiné. Un bois qui a perdu son écorce rugueuse, ses formes tortueuses, ses senteurs de résine et qui s’apprête à être utilisé par l’industrie. C’est à ce stade-là qu’il intervient, séduit par les angles saillants des planches et des poutres dans les menuiseries, leur empilement ordonné, leur organisation géométrique. 

« Une pièce ne raconte pas autre chose que comment elle est faite ». Par ce propos, s’inspirant des tendances artistiques des années 1970, il se détache de toute intention narrative et travaille dans le champ des possibles suggéré par les propriétés physiques du bois – la sphère de la pure imagination étant trop vaste, infinie, et donc pour lui moins intéressante.
La couleur est travaillée dans une démarche similaire. Pour cette exposition d’été à la Fondation Louis Moret par exemple, l’artiste présente principalement des pièces rouge vif teintées. La teinture a la spécificité de rentrer en profondeur dans le bois et d’interagir avec lui.
Cette recherche dans la matière est conduite par l’artiste à travers une esthétique dépouillée, peaufinée par des influences minimalistes. 

Pourtant, à contre-courant de ce que l’on pourrait imaginer après cette introduction minimal, une certaine chaleur – humaine ? – se dégage des sculptures de Pierre-Alain Zuber. C’est peut-être la manière dont l’artiste parle du bois : « le mélèze est souple, traversé par de nombreuses veines ; le hêtre a plus de répondant ; l’épicéa a du nerf, il vit de tensions ». Ou encore la manière qu’il a d’apprivoiser ce matériau. En utilisant les mêmes techniques de base que celles de la menuiserie – mais aussi, pourquoi pas, de la chirurgie – Zuber coupe, sectionne, entaille le bois sans toutefois le transformer en quelque chose d’autre, ce n’est ni abstrait ni figuratif.
Il opère dans le bois en ouvrant de fines fentes dont le nombre détermine l’amplitude de la courbe donnée à la sculpture. Ces ajours répondent donc à une exigence technique, mais ils sont là également pour nous amener plus loin, tout en profondeur, dans un registre existentiel. Ils permettent à la lumière de traverser le bois et leur présence régulière, continue, répétée, crée une sorte de scansion temporelle. De même que l’empilement des secondes, des minutes et des heures charpente le squelette de nos journées, la succession d’entailles ponctuant les sculptures exposées inscrit physiquement le temps dans la matière.

Ce travail, effectué avec soin, lenteur et sensibilité, nous invite véritablement à sentir l’écoulement du temps et, par cette expérience sensorielle, il nous prédispose à un état d’esprit particulier. Nous sommes pris·e·s par l’envie de fissurer notre propre surface, le bloc compact de nos façades, et d’y regarder longuement à travers. Parfois une lueur y passe, alors on s’arrête, on l’observe, on la savoure, on prend le temps de s’émerveiller.

Marta Spagnolello, mai 2024

Exposition du 9 juin au 18 août 2024, du mercredi au dimanche de 15h à 18h. Entrée libre.

L’artiste sera présent à la Fondation Louis Moret vendredi 28 juin, samedi 6 juillet et dimanche 18 août (finissage). 

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