GRAVURE, DESSIN

Essentiellement graveur mais aussi préoccupé de dessin, François Pont vit à Londres en séjourneant fréquemment à St.-Pierre-de-Clages. Dans ces deux lieux, il retrouve ateliers et jardins, sans jamais rompre le lien. Car la nature est depuis toujours le repère et la métaphore de son travail. On se souvient des Germinations et des Tiges surgissant dans le champ de l’image sous forme, déjà, de stries impulsives, de griffes touffues, de graines mystérieuses aux formes de mandorles, pareilles à des yeux en amande. Le regard, en germe à l’époque, travaillait déjà en vue d’autres saisons. Aujourd’hui le paysage s’ouvre et l’espace se creuse.

François Pont est un artiste patient dont il ne faut pas attendre de révolutions radicales mais observer les signes de l’évolution intime. Les titres sont des indices : Paysage fluvial, Paysage visité, Paysage primordial, Ouverture. Le microcosme du jardin est devenu paysage, l’eau y circule, certains formats basculent à l’horizontale pour accuser la fluidité du mouvement, la direction du passage, un possible changement de sens de lecture. D’autres territoires de nature sont apparus, plus urbains, depuis qu’en 2005 François Pont a bénéficié d’une résidence d’artiste de 6 mois à Berlin, mise à disposition par l’État du Valais. A Berlin, où ruines et stigmates cohabitent avec les bâtiments les plus avant-gardistes, des zones entières restent encore en Friche. On retrouve ici des vues de ces territoires sauvages au cœur de la ville.

Les gravures récentes, des pointes sèches sur chine rehaussé, marquent la quête d’un équilibre entre empreinte gravée et peinture fluide. Une plaque de cuivre travaillée à la pointe sèche qui détermine la structure de la gravure à l’encre noire, et un papier de chine sur lequel l’artiste applique un balayage spontané de couleur liquide, passent ensemble sous presse, faisant de chaque tirage une pièce unique. Rien n’est tout à fait prévisible, l’intention doit coïncider avec la grâce du bon geste.

Dans cette exposition, deux dessins au fusain semblent différents; les représentations du corps humain, Alter ego, si rares dans l’œuvre de François Pont, donnent la clé d’une nouvelle occupation de l’espace qui, ailleurs, semble avoir contaminé la structure du paysage. Les yeux fermés et tournés vers l’intérieur, un fusain dans chaque main, l’artiste dessine à l’aveugle, cherchant le mouvement qui reconnait les contours de son propre corps. Il constate un vide vertical au centre du dessin, le tracé par défaut d’une colonne vertébrale axiale, là où le geste ne s’est pas refermé. Il gardera ce passage central ouvert comme une promesse, une Source qu’il détourne vers un Paysage primordial. Le passage par le corps humain est une digression qui, repartant du soi, a revitalisé une approche en prise directe. Très gestuel et fondamentalement intuitif, l’œuvre de François Pont s’enracine profondément en quête de vie. Là où il y a de l’âpreté parfois, et des déchirures, même chez le plus doux des artistes.

Marie-Fabienne Aymon