PICTURE-DISC

Après une première exposition en 2009 et une participation à l’exposition collective Parole d’objet en 2014, la Fondation Louis Moret présente la deuxième exposition personnelle de Gilles Porret, Picture-Disc. Où l’on retrouve le fil rouge de l’artiste, celui qu’il déroule depuis ses débuts à la fin des 80′, autour de la captation du monde à travers la couleur. Vaste programme qui, s’il le définit d’abord comme peintre, est aussi bien traversé par des pratiques diverses: installations, objets, vidéos, performances, photographies, autant de medium qu’il a utilisés pour parler de la couleur. Mais aussi pour la faire parler, la débusquer dans les expressions du langage courant, imaginant des pièces autour des usages de la langue, Noir de monde, White Spirit, ou encore Peinture bidon, Bleu de travail..

Ce goût de la couleur s’inscrit dans une famille plus cousine de l’art construit et de l’art conceptuel que de la profusion baroque expressive, et pour baliser les contours de ses questionnements, Gilles Porret s’intéresse aux méthodes, aux règles du jeu et aux contraintes. Ainsi, a-t-il défini une palette de 11 couleurs qui apparaissent dans de nombreuses variations, l’une des plus connues étant leur déclinaison sur des palettes.. de chantier. On l’entend bien, les mots croisent ici les outils du peintre pour réorganiser une lecture du réel au pied de la lettre.

Picture Disc est une nouvelle série qui s’apparente à certaines pièces antérieures constituées par des collections d’objets. On connaissait Annoncer la couleur avec les manchettes des quotidiens, ou encore Peinture fraîche, une installation de livres dont le titre contient un terme de couleur. Ici, ce sont des titres de chansons contenant un nom de couleur qui sont collectionnés. Ce sont eux qui dès lors conduisent à l’objet qui réfère naturellement aux enregistrements, le disque vinyle.Le vinyle, objet vintage comme la plupart de ces titres, objet plat par excellence (on se souvient du titre de notre exposition en 2009, Plates-Formes), objet circulaire qui s’inscrit naturellement dans l’autre collection de Gilles Porret, celle des ronds qui parcourent tout son oeuvre sous forme de bulles, de billes et autres pastilles colorées.

Utilisés comme supports de la peinture, ces vinyles, privés de son, basculent du côté de la peinture, échangeant leur statut d’objet fonctionnel contre celui d’objet peint, représentation du disque et enseigne pour un titre. Blue Angel, Lily the Pink, Black Magic Woman…A chaque disque sa composition de couleur combinée au titre de la chanson inscrit dans une typographie exclusive. Mais le principe n’est pas pour autant illustratif. Gilles Porret échappe à la démonstration littérale du mot de couleur, cherchant plutôt à rendre la peinture à son autonomie.

Pour autant, le résultat fonctionne à plusieurs niveaux : l’effet visuel de cet objet transformé, détourné, littéralement interprété dans des registres très différents, qui vont de la plus grande simplicité des aplats jusqu’à la tentation d’un balayage pictural jusqu’alors inconnu dans la peinture de Gilles Porret, d’une part. Et d’autre part, une relation propre à l’imaginaire ou aux souvenirs de chacun, aux projections personnelles qui peuvent naître à l’évocation de ces titres de mémoire collective.

En contrepoint de cette série d’objets peints, voici 11(!) Picture_Disc encadrés qui représentent le disque vinyle sous sa forme graphique. Réalisés aux crayons noirs, ces frottages rehaussés inscrivent l’empreinte du disque en révélant la structure de l’objet, en attirant l’attention sur le détail de ses formes selon le principe de la comparaison « tous différents, tous pareils ».
Apparaissent alors des variations formelles accentuées par le dessin au crayon, donnant à voir des nuances de gris et des traces de gestes très peu fréquents dans l’oeuvre de Gilles Porret.

Picture-Disc c’est une proposition vive, très emblématique de la façon dont Gilles Porret fait de la couleur un code de lecture de la vie même. Il va la chercher partout, entre autre dans le langage, ici dans la musique, et la rend à l’espace qui devient graphique, vivant, chantant!

Mfa/09.14