Massimo Cavalli (1930), peintre et graveur actif sur la scène tessinoise et milanaise dès les années 60′, est présenté au musée Jenisch en 1996, parallèlement à la constitution du fonds Cavalli à la Villa des Cèdres de Bellinzona (monographie aux éditions Pagine d’Arte). En 2006, le musée cantonal à Lugano lui consacre une rétrospective. En 2009, la publication liée à l’exposition Explosions lyriques au Musée d’art de Sion – une étude érudite de la situation de la peinture abstraite en Suisse dans les années 50-65′ – consacre une étude à son oeuvre gravé.

SENZA TITOLO
SENZA TITOLO

Gravures et peintures de Massimo Cavalli trouvent naturellement place à la Fondation Louis Moret qui entretient une affinité notoire avec les artistes que le papier, la gravure et l’encre ne découragent pas, et mieux encore, favorisent. Si Massimo Cavalli a beaucoup peint à l’huile sur toile, il a toujours entretenu une relation privilégiée, singulière et engagée, avec le papier, ce support intimiste qui accepte et magnifie la ligne nue, l’encre austère et profonde, et l’incision féline comme une griffe. Son œuvre gravé révèle sans fioriture le cœur d’une écriture qu’il a poursuivie depuis presque cinq décennies. Déjà, les gravures des années 60′ – ici trois petites grilles nerveuses et vibrantes – explorent cette vision qui inclue, accepte, convoque la surface toute entière. Pas de motif ni de centre, pas de focalisation. Chez Massimo Cavalli, la surface peinte ou gravée est un fragment de réel, un passage à travers le vivant, le vibrant, un arrêt sur image qui ne représente rien que son propre flux. Senza titolo !

Abstraction, vibration, présence, telles que dans ce langage propre aux modernes du XX siècle, ces ainés que Cavalli a regardé et ressenti : les Fautrier, Dubuffet, De Staël parisiens, les américains, Pollock le gestuel, Rothko le spirituel, Kline le puissant, tous vus entre Milan et Paris, et Soulages, et Bazaine, et les autres, frères et contemporains de cette époque de jeunesse, de moisson, lorsque le signe pur, dégagé de toute représentation, contenait toutes les aspirations, plongeait dans les noirs et vibrait au désir d’absolue authenticité. Quand le geste de l’artiste, avec de l’encre ou de la peinture, travaillait à faire écran, rideau, modulation.. et que la lumière, la couleur, le rythme surtout, devenus des écritures, rendaient visibles les mouvements de la vie intérieure, il y avait de la noblesse, du courage, une présence qui ne démérite pas aujourd’hui.

La bataille de l’art abstrait est à présent tout à fait gagnée dans l’histoire de l’art, mais on ne se lasse pas de rendre hommage aux acteurs de cet art de la présence, aux passeurs du message qui dit que peut se jouer, sur quelques centimètres carrés, les tréfonds de l’âme humaine sous la forme concentrée de balafres accentuées, de vibrations, de rythmes syncopés et de surgissements lumineux.

Marie-Fabienne Aymon