Nicole Schmölzer (1968) partage ses ateliers entre Bâle et New-York où elle vit une partie de l’année, parallèlement à des séjours en résidences d’artistes sur la côte ouest. Elle est présentée régulièrement à Art Basel par la galerie Carzaniga et Uecker, à Locarno chez Arte Moderna Ammann et sa dernière exposition personnelle à Tokyo remonte à 2007. Cette exposition est une première en Suisse romande.

PEINTURE
PEINTURE

Dans l’espace de la Fondation Louis Moret, la peinture de Nicole Schmölzer se déploie en premier lieu dans la couleur, lumineuse, solaire jusqu’à l’incandescence. Des orangés saturés, des jaunes qui virent à l’acide, des verts froids, des violets impassibles, des noirs brillants comme du pétrole… Cet engagement dans la couleur se déploie dans des formes sans contour, des aglomérats transparents qui semblent s’être constitués dans un mouvement très calme, une lenteur de ciel en formation, un univers gazeux. La couleur se constitue en particules temporairement composées, plus ou moins agrégées les unes aux autres en grappes translucides. Les passages de couleurs sont d’une finesse extrême, des ombres se glissent et s’incorporent, la toile peinte est le fragment d’un moment possible, entre deux étirements.

Toutes les huiles sur toile datent de 2009 et portent le titre Staining. La tache – stain en anglais – est bien le mot qui convient: suffisamment vague, indéterminé quant à la forme, il évoque la présence d’une couleur sans dessin sur une surface. Le langage de Nicole Schmölzer est résolument abstrait et n’a d’autre objet que cet espace flottant qui exige d’être regardé longtemps, s’expanse et se rétracte, se déplace et se fige en même temps, avance, recule, passe ou fait face.

De grandes huiles sur un papier aussi fort qu’une toile – le support le plus matériellement présent ici – ont pour titre Besides, ce qui signifie littéralement “de plus, en addition à”. Ici, l’ombre fait masse dans la lumière, s’impose et focalise la composition sans jamais rompre la loi de l’apesanteur. Parmi les dessins encadrés, la série Wherein (où, dans quoi) fait écho aux toiles tandis qu’un autre propos apparaît dans la série As (comme, parce que): la couleur vive s’éteint au profit d’un violet brun qui semble éclore sur le papier blanc, rompant avec cette indétermination volontaire de la forme et du fond, explorant une forme consolidée, quoique toujours mouvante.

La peinture de Nicole Schmölzer s’inscrit dans un temps paradoxal. Car ce qui se donne à voir immédiatement, c’est l’audace de la couleur qui exerce un pouvoir sur nos regards et illumine les murs. Mais à ce rayonnement s’ajoute une complexité captivante qui naît du travail sur l’espace, les différents plans, les mouvements de déplacements des formes qui génèrent des rencontres et des frôlements. Là se crée un temps différent, comme suspendu, opposé à la dynamique solaire de la couleur en soi. On touche au paradoxe des éléments, de même nature peut-être que la lente ascension vers le ciel des fumées mouvantes qui s’élèvent au-dessus des volcans en feu. La peinture de Nicole Schmölzer est aussi calme et aussi puissante.

Marie-Fabienne Aymon