Alexandra Roussopoulos est née en 1969 à Paris, de nationalité suisse et grecque.
Au moyen de la peinture, elle repose la question des rapports entre formes, couleurs et espace. Son travail a toujours témoigné de l’importance du lien aux autres. Elle collabore régulièrement à des projets artistiques et a pris part à de nombreuses résidences d’artistes en Chine, Grèce, Irlande ou Slovénie.

Elle a participé aux activités du centre d’art APDV qui place l’action artistique au cœur des zones d’habitation à loyer modéré. Elle a organisé et conçu deux expositions, l’Eau et les Rêves à la galerie Kamchatka en 2007 et Mauvais Genre en 2009 en collaboration avec Isabel Duperray à la galerie Petit Maroc à St-Nazaire.

Alexandra Roussopoulos expose en Suisse (Fondation Louis Moret à Martigny, Musée d’art et d’histoire de Neuchâtel et le Manoir à Martigny, davel 14 à Cully, Villa Bernasconi au Grand-Lancy, la Ferme Asile à Sion et au LAC à Vevey) en France (L’Art dans les Chapelles, la Cité Radieuse de Le Corbusier à Marseille, l’appartement/atelier de Le Corbusier à Paris, la galerie Marie-Victoire Poliakoff à Paris, et la galerie Scrawitch/ Julien Bézille à Paris) et en Chine ( la galerie Pifo et la galerie Art Lelege à Pékin, Yard art Gallery à Shanghai, Musée national Xixi à Hangzhou)
Elle a reçu le prix d’arts visuels de la Fondation René Liechti en Suisse en 2010 et le prix de peinture Novembre à Vitry en 2002.

Elle enseigne dans une école préparatoire aux écoles d’art en France et à l’étranger (Prép’art) et participe régulièrement à des workshops en France et à l’étranger (à la Hear, Mulhouse et ESBA le Mans et en Chine à l’Académie des Beaux Arts de Chine et à l’Université des Beaux Arts de Hangzhou).

Partir avec les murs
LE DÉPAYS
SUPERCALIFRAGILISTIC
PEINTURE, INSTALLATION
Partir avec les murs

Photographies: Gilbert Vogt

Collaborations avec Djamel Agagnia, Adel Bentousi, Albane Durand-Viel, Julien Magre, Silvana Mc Nulty, Hichem Merouche, Thierry Rose, Clara Shulmann, Sofiane Zouggar

Partir avec les murs

Alexandra Roussopoulos vient de quitter l’atelier qu’elle a occupé pendant trente ans. Elle ne part pas seule, mais emporte avec elle toutes sortes de traces, imaginaires et matérielles. Ces traces sont des œuvres, elles en ont la puissance et la délicatesse, la gravité et la légèreté

Il y a d’abord les moulages des murs de l’atelier, en plâtre et en résine. Chaque pierre moulée est unique et devient l’élément d’un langage qui noue le passé et le futur. On retrouve dans la matérialité du plâtre la force de ce qui permet la création tandis que la légèreté de l’empreinte même, réalisée en caoutchouc, exhale un étonnant parfum d’éternité. Ensuite viennent des images, celles des derniers moments passés dans l’atelier, une édition de cinq cartes postales réalisée avec Albane Durand-Viel. Puis des textes écrits par Clara Schulmann sur lesquels l’artiste est intervenue, y re-dessinant les traces fugaces de la mémoire du lieu. Enfin, on découvre les plans de la maison Villa Seurat transformés avec Silvana Mc Nulty en bijoux de fil de laiton martelé qui sont comme la base de ce qui dure toujours : l’idée devenue matière.

Ce départ est aussi l’occasion de re-commencer. Les photographies de Julien Magre, retravaillées par l’artiste donnent à voir un vide qui se remplit d’un geste, bouleversant d’un coup le paysage et sa réalité. L’oeuvre « Veste femme taille 40 » co-élaborée avec Thierry Rose, je la vois comme le vêtement abandonné d’un fantôme bienveillant qui veille sur une création nomade qui, ces dernières années, s’est déployée dans le cadre de résidences, en Espagne, en Chine, en Algérie.

Les voyages ont permis une liberté nouvelle que l’on retrouve dans des photographies où l’artiste capture le vent qui emporte le papier de riz, un de ses matériaux privilégiés depuis plusieurs années, où le ciel s’impose comme un contrepoint indispensable à la pesanteur. Le ciel est immense aussi dans ce film réalisé par Hichem Merouche lors d’une résidence à Alger. Il rend caduque la notion d’horizon et épouse, dans un travail avec Djamel Agagnia, des blocs de béton qui ont pris la dimension d’une main.

Car c’est aussi la notion d’échelle qu’interroge l’artiste, le vertige de la re-dimensionnalité. Il y a, nous l’avons dit, ces blocs de béton du port d’Alger, les plans redessinés et déformés mais aussi ces sculptures qui reprennent une performance filmée avec Adel Bentounsi. Elles sont désormais posées comme des trophées, réminiscences voilées du mouvement, délicates virgules ponctuant l’espace. Et l’intervention qu’Alexandra Roussopoulos a réalisée sur les photographies de Sofiane Zouggar nous fait plonger dans un vertige temporel, nous faisant re-parcourir dans un trait imperceptible l’itinéraire d’un militant algérien des années 1950.

Tout se métamorphose donc grâce à la puissance du geste, à la liberté interrogée, aux murs que l’on emporte et qu’on redessine, non comme des ruines, non comme une nostalgie, mais comme une fondation nouvelle qui mêle intimement le souvenir et l’imagination, l’art et l’existence.

Matthieu Gounelle

LE DÉPAYS

Collaborations avec Claude Baechtold, Cathryn Boch,
Judith Espinas, Matthieu Gounelle, Julien Magre, Oscar Roméo, Editions Scrawitch/atelier Clot, Bramsem et Georges

Le Dépays est une exposition qui parle d’art, de peinture, mais aussi de la façon dont les images, pour abstraites qu’elles soient, s’inscrivent dans la vraie vie,
le partage, et la solidarité dans la pratique artistique. C’est une caractéristique authentique chez Alexandra Roussopoulos, qui se manifeste par son désir d’expérimenter des collaborations dans son travail.

Le Dépays, entre paysage et dépaysement, espace familier et absence inédite, c’est aussi « des pays » ; une histoire de géographie affective dans laquelle se dessinent la Grèce du père, la Suisse de la mère, la France de sa naissance, la Chine de ses récents séjours, résidences d’artiste et expositions, autant de territoires influents, quoique sans nom. On a vu ces dernières années des séries aux titres éloquents, Libres et mobiles, Géographies inventées ou encore Paysages occupés, autant d’explorations intuitives incarnées par des formes arrondies, mobiles et sensuelles comme des nuages iridescents, et qui déambulaient de dessins en peintures, de collages en photographie et en vidéos, écrivant à mots couverts une auto fiction à décoder. Depuis lors, si les formes de la peinture se sont aiguisées, complexifiées et ont réintégré une géométrie aux arêtes nettes, elles ne se laissent pas décrire ni totalement voir et coulissent parfois dans des fentes où l’oeil voudrait pouvoir se glisser à leur suite.

A l’occasion de cette exposition, Alexandra Roussopoulos a réalisé une peinture murale in situ, travaillant sur place et pour l’espace, selon une technique personnelle qui alterne papier de riz et peinture par couches. Cette « peau » appliquée au mur entre ici en dialogue avec deux autres modes de peindre, sur papier et sur toile. Le collage de papier de riz qui voile et adoucit les arêtes effilées de ces géométries intuitives disparait dans les peintures sur papier. Le ciel s’assombrit, l’ordonnance de la structure se défait et l’espace d’un paysage de cendres surgit, traversé de formes solitaires. Il y a là une gravité nouvelle, un voyage inédit en pays inconnu, dans un temps différent.

La série Double-Vue réalisée sur stéreocartes – un procédé datant du XIXè siècle permettant déjà une vision en 3D- est constituée de photographies de paysages d’un temps passé sur lesquelles Alexandra Roussopoulos intervient en peinture. A cette occasion, Claude Baechtold qui a photographié son atelier selon ce procédé, a installé le stéreoscope d’époque qui permet d’en faire l’expérience.

De paysage il est aussi question dans la toute récente édition Paul et la neige, un hommage qui réunit le photographe Claude Baechtold captant une performance d’Alexandra, qui illustre un poème de Matthieu Gounelle, poète et astrophysicien, à propos de Paul Roussopoulos, père de l’artiste récemment disparu. Une édition à trois voix donc, à l’image de cette exposition qui inclut des collaborations diverses – sculpture à quatre mains, peinture sur photographie, broderie sur peinture, lithographie et stylisme – toutes réalisés avec des amis artistes dans une dynamique de l’échange.

Julien Magre est un photographe plasticien, qui documente avec pudeur et finesse sa vie personnelle. Alexandra Roussopoulos intervient en peinture sur un choix d’images et cela devient Nos jardins.

Judith Espinas qui est sculpteure, a développé par strates successives et en trois dimensions l’une des formes emblématiques d’Alexandra Roussopoulos, qui évoque une montagne vue en Chine, le Mont Tian. Ensemble, elles ont aussi réalisé l’ Assemblée, petit colloque de pierres, de verre et de résine. C’est avec les Editions Scrawitch et dans l’atelier Clot, Bramsen et Georges à Paris qu’Alexandra Roussopoulos a réalisé les impeccables lithographies de cette exposition et avec Oscar Roméo, jeune styliste et complice, qu’elle a imaginé une robe couleur du temps.

A Cathryn Boch, qui gagnait en 2014 le grand prix de Drawing Now, le Salon du dessin contemporain à Paris, Alexandra a envoyé l’une de ses peintures sur papier qui lui est revenue raccommodée autant que trouée d’une dentelle proliférante faite point à point.

Le Dépays signale une transition, le passage d’une géographie à l’autre, d’un temps au suivant, on en devine la mélancolie et on voit le bonheur du lien.

Mfa

SUPERCALIFRAGILISTIC

Vient de paraître:
Alexandra Roussopoulos, Forma Fabulis
Textes de Brooks Adams, Elisabeth Lebovici, Natacha Nataf, Emmanuelle Lequeux
Entretien avec Marie-Fabienne Aymon
Les Cahiers dessinés, Paris 2011

Alexandra Roussopoulos revient avec un livre, Forma Fabulis – un projet de Frederic Pajak réalisé par Léa Lund, édité aux Cahiers dessinés – et une exposition Supercalifragilistic, deux invitations à suivre les avatars et les conquêtes d’une peinture « libre et mobile ».

Alexandra Roussopoulos peint sur des toiles tendues sur châssis qu’elle fabrique elle-même; elle en a rogné les angles et creusé les flancs et ses peintures se présentent comme des objets aux contours très dessinés. Elastiques et bondissantes, presque liquides, fuyant ou surgissant devant nous selon les points de vue, des formes souples peintes en rose, vert ou bleu, se glissent et ondulent sur les murs, décrivant ainsi un rapport fluide à l’espace. Généalogie de la forme est un petit film d’animation qui synthétise en 1′ quelques années d’avatars de châssis.

Si ce contour sans heurt est le corps de la peinture, la surface peinte est sa peau; presque blanche, vivante et imparfaite, elle repousse la couleur sur les bords et la tranche de la toile, teintant délicatement le mur par réverbération. Derrière ce minimalisme silencieux se cache cependant un colloque; le fond des toiles est préparé d’un solide collage de pages de magazines féminins destiné à être recouvert par la peinture, monochrome et synthétique.

Les formes fluides de la série Libres et Mobiles réapparaissent dans les Espaces inventés en d’utopiques architectures peintes à la gouache sur papier. Elles surgissent sur des cartes postales, une page imprimée, s’incrustent sur photo ou encore s’animent dans des videos (réalisées avec l’aide précieuse de Camille Cottagnoud)..

Supercalifragilistic…Alexandra Roussopoulos conduit sa forme fluide partout où elle la rêve, l’introduisant dans l’histoire de l’art, l’histoire sociale, les photos de famille, en hommage, en écho, en souvenir et en spectatrice. Elle estampille le réel pour en extraire des fictions, convoque les acteurs de sa vie et les figurants de sa mémoire, recompose le monde, joyeux et légèrement inquiétant, joue l’art et la vie à la baguette magique.

Marie-Fabienne Aymon

PEINTURE, INSTALLATION

Alexandra Roussopoulos
L’exposition actuelle présente les développements récents d’une démarche initiée dans les années 90’: quatre toiles Archipel, six gouaches-collages Espace inventé, six gouaches de la série Évolutive. Depuis 2006, l’identité plastique d’Alexandra Roussopoulos s’est précisée; ses peintures ne trouvent plus leur limites dans le châssis rectangulaire classique. La question du format se pose avec la série des Euclidiennes pour évoluer jusqu’aux Archipels, formes organiques, ondulantes et sans plus aucun angle. Une surface presque immaculée, accidentée parfois de minuscules imperfections – une bulle séchée, un petit rien matériel – repousse la couleur jusqu’aux bords du tableau et sur sa tranche, pour finir en halo lumineux sur le mur blanc. Cette apparente immatérialité est en réalité fort solide: les châssis de planche pèsent leur poids, et le fond des toiles est sous-tendu par un collage de magazines féminins dont les pages ont disparu sous la peinture. Une manière de faire taire le brouhaha des images du paraître et de les remplacer par une nouvelle fluidité, une géographie réinventée. Les Espaces inventés montrent comment Alexandra Roussopoulos positionne ses formes fluides et organiques dans des espaces et des vues en perspective, des architectures et des constructions de droites, et comment elle se joue de cette rigueur en y introduisant la lumière, la couleur et la fantaisie de « représenter » sa peinture.

Martin Mc Nulty
Martin Mc Nulty est sculpteur et peintre. La force des circonstances a précipité son évolution artistique lorsqu’un incendie a détruit ses toiles il y a quelques années et qu’il a dû, sous peine de désespoir, regarder autrement les résidus de ce désastre. Les fragments calcinés de ses peintures auxquels il a redonné sens en les présentant sous forme d’objets non identifiés, lui ont permis, à l’époque, de trouver la voie d’un travail actuel autour de l’objet sans objet, fabriqué cette fois. Hors définition et sans référence, précieux et baroques ou humbles et modestes, les objets sont imaginés et dessinés, puis polis, moulés, colorés, floqués, hors hiérarchie assurément. Dans cette accumulation, chaque fragment de réel qu’on pensait indifférencié recèle en réalité les indices d’une histoire qui se réécrit à chaque instant; ces objets sont l’alphabet dans lequel Martin Mc Nulty pioche les mots haut en couleurs de ses indéfinissables poèmes de balsa, de résine et de plastic.

Brillants comme des bijoux ou fondus dans l’ensemble, tous les objets cohabitent, se parlent et s’influencent. Aucun d’eux ne ressemble définitivement à ce qu’il est dès lors qu’on le rapproche d’un autre. A fortiori, les installations de Martin Mc Nulty renforcent les variables: Cascade appartient à une série de suspensions qui prennent la forme idéale de chaque mur- les architectes ne s’y sont pas trompés qui l’ont publiée dans la revue Architectures à vivre – tandis que Short pieces est installé directement au mur. A ce principe d’accumulation qui fait du spectateur un chercheur de trésor répondent des installations épurées de deux ou trois pièces – End Games, Watt, Oh les beaux jours, tous titres empruntés au théâtre de Beckett – qui, par le choix qui est fait de les isoler, révèlent et accentuent leur singularité. Là dessus, les dessins de Martin Mc Nulty montrent l’esprit de construction sans limite qui sous-tend l’ensemble de ce travail.

Marie-Fabienne Aymon

A l’occasion de cette exposition, un catalogue est édité: Alexandra Roussopoulos. Textes d’Elisabeth Lebovici et Brooks Adams, 2008.
Un film a été réalisé: Alexandra Roussopoulos, Martin Mc Nulty: Orient et Occident
Réalisation: Bruno Joly, 21′, 2008 (Canal 9)