Mireille Henry, 1957
Vit et travaille à Moutier et Choindez (JU).

VENTCOULIS... PAPIERS
PEINTURE
VENTCOULIS... PAPIERS

Mireille Gros, qui vit et travaille à Bâle et à Paris, présentait en 2005 La vie en guymauves, une exposition organique et botanique au titre inspiré par le jardin. Il y avait là sa fantaisie, sa détermination et sa liberté poétique ouverte sur le monde. Mireille Gros  aime les sonorités des mots et apprend le chinois; elle voulait appeler sa suite de dessins Les montagnes appartiennent à ceux qui les aiment plutôt qu’à un lieu géographique.. Elle a laissé un cartable plein de dessins à l’encre inspirés des découpes des horizons montagneux, libres.

Mireille Henry, vit et travaille à Choindez (Jura), commune industrieuse à flanc de gorge. En 2007, elle présentait  des peintures qui semblaient venir de loin, recouvrant autant que désignant les objets, avant de les laisser partir. Des images colorées puis assourdies, comme les mystérieuses résurrections de visions rescapées et pacifiques.

Jean Nazelle est graveur. Il croit au réel et le transforme, le féconde de son imaginaire alerte, de ses secrets aussi. Il affiche des listes de projets et réalise tout ce qui le traverse, indifférent aux étiquettes. Pourtant, comme un thème au-delà des thèmes, transformation et disparition hantent son œuvre. Des séries s’articulent autour de l’addition et de la soustraction, des combinaisons et  permutations, parfois jusqu’au confins du lisible.

Anne Peverelli vit à Lausanne et a exposé en 2002 et 2006 des peintures sur toile et sur papiers. Son geste est simple comme une évidence qui ravit, la synthèse sans fioriture de la sensibilité et du pragmatisme. La flaque que produit un pinceau qui goutte, des coulures qui s’organisent en réseau, les traces de gestes de peinture… ou comment la réalité fait signe.

PEINTURE

Les peintures récentes de Mireille Henry se présentent comme des surfaces brossées sur lesquelles un objet parfois identifiable – une maison, un nid, un chien – ou un signe, une présence, semblent s’être défaits de leurs contours, émergeant d’un rêve sourd et hors pesanteur. Délestés de leur matérialité, ils affleurent à la surface du papier sans que rien d’eux ni autour d’eux ne soit précisément défini. Les formes étirées dans les couleurs, les couleurs rabattues comme dans la brume, une échelle de lecture troublante inscrivent ces visions dans un registre non descriptif mais suffisamment allusif pour que s’y perdent les regards et que s’esquissent des narrations intimes.

Donner à voir et retenir, désigner et cacher à la fois, ouvrir, recouvrir… brouiller sciemment les pistes des affirmations et ne consentir, finalement, qu’à la tension féconde des lectures incertaines… A peine énoncée, la forme naissante se laisse défaire par le pinceau qui va-et-vient de tout son large, étirant la couche de peinture fraîche dans le flou et délavant la surface par de nombreux passages. L’image se constitue dans cette addition de mouvements qui, paradoxalement, l’allège peu à peu; l’eau pure est aussi un médium lorsqu’elle rince la couleur et produit, par soustraction, les traces d’un signe nu. Ou qu’elle coule, liquide et frontale, sur la surface du papier.

Puisant à la source de sa perception émotionnelle, Mireille Henry laisse se construire et se déconstruire la peinture, attentive à saisir les signes d’une reconnaissance mutuelle, la convergence entre ce qui a pris forme et un désir enfoui, révélé par cette forme même. L’image, qui vient de loin, s’arrête aux frontières de la lisibilité. Là où le spectateur prend la route pour y déchiffrer ses propres récits.

Au travail de création proprement dit, s’ajoute celui de l’assemblage des peintures, associées parfois à des photographies, en diptyques, triptyques et polyptyques. Confrontées entre elles à la recherche de rapports significatifs, elles révèlent la complexité de leurs identités changeantes et réaffirment le règne de la subjectivité et du caractère transitoire de la perception.

La peinture de Mireille Henry est silencieuse; ou du moins son langage et son propos sont-ils en partie retenus dans les profondeurs; et lorsqu’ils se frayent un chemin jusqu’à la surface du papier, c’est pour nous inviter à rejoindre nos propres mystères, guidés par ses images troublantes.

Marie-Fabienne Aymon